jeudi 5 mars 2009

Proposition de la section PS de Science Po

Une opposition, une proposition. La méthode nouvelle utilisée par la direction du Parti Socialiste à l’occasion du plan de relance doit être renouvelée. La réforme des territoires constitue une opportunité pour consolider cette méthode. Les premières propositions du comité de réflexion Balladur font l’objet des vives contestations du PS – y compris celles de Pierre Mauroy, membre du comité qui regrette « une occasion gâchée ». Cette opposition est justifiée par une instrumentalisation électorale d’une réforme nécessaire, par l’ancien mentor de Nicolas Sarkozy. Le comité propose, par exemple, le démembrement de la région Poitou-Charentes, dont les départements seraient regroupés dans des régions différentes ; ou encore, le rattachement de l’Oise à l’Ile de France. Ces propositions ne sont pas dénuées d’arrière-pensées.

La réforme territoriale est pourtant nécessaire pour notre pays. D’abord parce que les services déconcentrés de l’Etat sont toujours très présents malgré l’essor des collectivités territoriales depuis les premières réformes de décentralisation. Ensuite, parce que les collectivités sont nombreuses – 36 000 communes, 2600 intercommunalités, 100 départements, 22 régions. La taille des collectivités au sein d’un échelon peut varier très largement. Par exemple, la Picardie et l’Ile de France ont des poids incomparables. Enfin, parce que les collectivités bénéficient d’une clause générale de compétence, qui prévoit qu’elles gèrent toutes les affaires concernant leur territoire. Cela pose un problème de responsabilité auprès des citoyens car ils ne savent pas si la politique publique a été mise en œuvre par leur commune, leur département ou leur région.

Pour relever ces défis, le PS doit effectuer une proposition de réforme territoriale alternative. Auditionnée par le comité Balladur, Martine Aubry avait évoqué quelques pistes qu’il faudrait approfondir. « Nous souhaitons que le pays aille de l’avant, nous souhaitons aller plus loin dans la décentralisation » avait-elle indiqué.

Pour réaliser cette réforme, le PS doit s’appuyer sur une méthode qui a fait ses preuves : la concertation. On dit la France pas réformable. Pourtant, quand les mesures sont prises dans le dialogue, la France se transforme. Le développement des intercommunalité en a été une illustration. Le poids acquis par les communautés d’agglomération et surtout par les communautés urbaines depuis la loi de 1999 les rend aujourd’hui incontestables. Pourtant, à l’époque, les élus étaient très réservés sur l’apparition de ces nouvelles collectivités. La loi de 1999 a fait preuve de souplesse. Les intercommunalités ne gèrent que ce que les communes membres décident de leurs déléguer. Elles ont permis des économies d’échelle importante dans le tri des déchets, la gestion de la taxe professionnelle ou la construction d’infrastructure par exemple. Plus personne ne les remet en cause.

Aujourd’hui, la question de la taille de certains départements ou de certaines régions peut se poser légitimement. Le PS devrait formuler dans sa proposition alternative une possibilité de fusion entre les départements et régions qui le souhaitent. La méthode de la concertation éviterait le brusquement des élus et des citoyens. Les compétences devraient être précisées pour les régions et les départements. Le développement économique, l’aménagement du territoire, le sport et le tourisme pourraient être spécifiquement confiés aux régions. Les départements qui gèrent déjà toute la politique sociale pourraient également se concentrer sur les compétences de santé et de culture.

Concernant la question du « Grand Paris », le PS travaille encore une fois dans la concertation avec la mise en place de « Paris Métropole » qui regroupe sur la base du volontariat 74 communes. Il doit impérativement prendre en compte dans sa proposition alternative l’idée de partage des budgets entre les départements d’Ile de France. La proposition du comité Balladur de fusionner le 75, le 92, 93 et le 94 a le mérite d’impliquer de fait la fusion de leurs budgets. Cela donnerait plus de moyens pour la Seine-Saint-Denis. Le PS doit étendre cette proposition à l’ensemble des départements englobés dans « Paris Métropole ».

Concernant les intercommunalités, le PS doit proposer une date limite à laquelle les communes devront impérativement avoir rejoint une communauté afin d’achever cet échelon. Il pourrait alors être reconnu comme une collectivité à part entière. Cela nécessite l’élection des présidents d’intercommunalité au suffrage universel direct – mesure qui semble appropriée au souci démocratique du PS. En outre, la présidence d’une intercommunalité n’est aujourd’hui pas considérée comme un mandat, ce qui favorise les cumuls avec d’autres fonctions. Le PS devrait proposer la prise en compte de ce mandat et la stricte limitation à un seul mandat par élu.

La proposition alternative du PS devrait également envisager une réforme des services déconcentrés de l’Etat. Les dépenses de personnel représentent presque un tiers du budget de l’Etat. Plutôt que de ne pas remplacer les postes d’enseignants qui partent à la retraite comme le fait le gouvernement, le PS pourrait proposer de supprimer à terme tous les doublons qui existent encore entre services déconcentrés de l’Etat et collectivités locales. Ces doublons sont propices à la concurrence et aux conflits. Par exemple, la mise en place du plan banlieue est effectuée par les collectivités territoriales, mais aussi par l’Etat – qui a recruté du personnel à cette occasion.

Enfin, la proposition du PS doit intégrer une réflexion sur les finances publiques locales. Près de 75% de l’investissement en France provient des territoires. La taxe professionnelle est leur principale recette. Sa remise en cause n’est aujourd’hui pas appropriée. Au contraire, les régions doivent utiliser leur argent pour mettre en œuvre des politiques de consommation et d’investissement pour compenser à leur niveau les mesures que le gouvernement refuse de prendre face à la crise au niveau national.
La méthode de la proposition alternative est précieuse pour la crédibilité du Parti Socialiste. La direction du parti doit prouver sa capacité à formuler ces contre-propositions pas seulement en cas de crise grave, mais pour l’ensemble des sujets qui concernent aujourd’hui les citoyens. C’est ainsi qu’elle prouvera concrètement que « le Parti Socialiste est de retour ».