vendredi 20 mars 2009

Une décentralisation vue d'en haut

Source : Les Echos / Collectif Acte III des élèves administrateurs territoriaux

Quelle organisation territoriale pour la France ? Quels services publics sur nos territoires ? Installé fin octobre 2008, le comité Balladur pour la réforme des collectivités locales vient de remettre son rapport au président de la République. Des élèves administrateurs territoriaux de l'Inet, futurs cadres dirigeants des collectivités territoriales, souhaitent apporter quelques éléments de réflexion dans ce débat.

Née avec les lois Defferre en 1982, la décentralisation poursuit une ambition forte : adapter les politiques et les services publics aux besoins de chaque territoire. En rapprochant la décision politique des citoyens, la décentralisation a permis de prendre en compte la diversité des intérêts locaux et d'améliorer la qualité du service public. C'est pourquoi la réforme des collectivités territoriales devrait permettre l'approfondissement de la décentralisation. A cet égard, les préconisations du comité nous semblent trop timides et trop prescriptives.

La suppression programmée de la clause générale de compétence des régions et des départements envoie un mauvais signal aux élus locaux et aux citoyens : celui de la défiance de l'Etat face aux territoires. Pourquoi organiser des élections politiques si la finalité d'un département est circonscrite demain à sa seule vocation sociale ? Au contraire, il convient d'être pragmatique.

La décentralisation n'est pas un jardin à la française. Les intérêts locaux commandant sa mise en oeuvre, le département devrait pouvoir se saisir des compétences correspondant aux besoins des territoires.

Pour autant, le statu quo n'est pas de mise. Plutôt que de supprimer la clause générale de compétence, la notion de collectivité chef de file devrait être réhabilitée. Nous soutenons la position commune des associations d'élus de mettre en place pour les départements et les régions des clauses prioritaires de compétence : chaque niveau de collectivités exercerait prioritairement les compétences fixées par la loi. La délégation de compétences à un autre niveau serait possible et exclusive, réduisant ainsi les financements croisés. Cette proposition qui préfère la souplesse à l'arbitraire et à l'uniformité aurait mérité de figurer dans le rapport présenté par M. Balladur.

De plus, au millefeuille territorial s'ajoute le millefeuille de l'Etat déconcentré et de ses agences. Une part non négligeable de la rationalisation administrative se joue ainsi entre l'Etat, d'une part, et les collectivités, de l'autre. Il serait souhaitable que cette question, abordée à la marge par le comité, soit introduite au coeur du débat par le gouvernement et les parlementaires.

En proposant des regroupements volontaires de collectivités, le comité Balladur va en revanche dans le bon sens. Ainsi, l'achèvement de la carte de l'intercommunalité d'ici à 2014 permettra de renforcer les moyens des petites collectivités. La promotion de départements et de régions de plus grande taille leur permettra de peser dans un cadre non plus national, mais européen. Mais ces fusions ne peuvent se faire qu'à l'initiative des collectivités et avec l'accord des populations concernées. Sinon, la décentralisation et son corollaire, le principe de libre administration, se trouvent vidés de tout contenu.

Ainsi, la proposition-phare de création du Grand Paris, consistant à fusionner les quatre départements du coeur de l'agglomération parisienne, prend la mauvaise voie puisque la plupart des collectivités concernées refusent cette solution.

Plutôt que de créer de nouveaux statuts - les métropoles et les villes - il conviendrait d'assouplir les conditions de fusion entre collectivités et de proposer des incitations financières et fiscales à ces regroupements. Les recommandations en ce sens de Didier Quentin et Jean-Jacques Urvoas dans un rapport récent à l'Assemblée nationale auraient dû être plus largement reprises.

Les propositions du comité Balladur comportent un volet fiscal, ce dont on peut se féliciter. Cependant, au lieu de garantir enfin l'autonomie financière locale dont le principe constitutionnel est régulièrement mis à mal, le comité se contente de mesures à la marge. L'Etat s'appuie largement sur les collectivités pour financer ses propres ambitions : lignes à grande vitesse, universités, plan de relance, etc. Plutôt que de souhaiter l'encadrement de l'évolution des dépenses locales accompagné de la création d'une énième instance de contrôle, le comité aurait pu proposer de garantir les marges de manoeuvre financières des collectivités, durement sollicitées en ces temps de crise. La réforme des collectivités est également une occasion unique de renforcer la transparence fiscale et la péréquation entre collectivités riches et moins riches. Un débat national sur l'avenir du financement des collectivités et de la fiscalité locale devrait être ouvert.

Enfin, le comité a pris position en faveur du renforcement de la légitimité des élus des métropoles et des intercommunalités. Cette proposition est à saluer : la valorisation de ce niveau de collectivité imposait que leurs responsables politiques soient élus au suffrage universel direct. Toutefois, les modifications des modes de scrutins départemental et régional, qui devraient permettre à certains élus de siéger dans les deux instances, risquent de renforcer le cumul des mandats.

A ce stade, l'impression qui domine est que la réforme proposée privilégie les schémas théoriques et tient insuffisamment compte des intérêts locaux et de l'avis des populations.