lundi 16 novembre 2009

Sarkozy suscite la crainte d'une recentralisation punitive

Source : Le Monde

Il fallait oser ! A quatre mois des élections régionales de mars 2010, Nicolas Sarkozy a déclenché une fronde dans les provinces qu'aucun de ses prédécesseurs, bien plus enracinés que lui dans la vie locale, n'aurait osé assumer.

De la suppression de la taxe professionnelle, – "impôt imbécile", disait François Mitterrand sans parvenir à lui faire un sort –, à la réforme des collectivités territoriales, chaque élu a légitimement de quoi s'inquiéter : les communes et les départements ne savent pas si les pertes de recettes liées à la disparition de la taxe professionnelle leur seront intégralement compensées. Les communes, poussées à se regrouper, se demandent jusqu'à quand on les laissera survivre. Les départements et les régions découvrent que leurs compétences vont être strictement encadrées.

Et demain, c'est-à-dire en 2014, on n'élira plus 6 000 conseillers régionaux et départementaux, mais 3 000 conseillers territoriaux qui siégeront à la fois dans les départements et les régions. Quand d'un coup la moitié des élus disparaissent des assemblées, c'est une révolution !

Nicolas Sarkozy l'a menée en connaissance de cause, avec un double souci. D'abord sauver son statut de président réformateur au moment où la crise l'oblige à lever le pied sur les réformes sociales. "Entre 2002 et 2007, Jacques Chirac n'a fait qu'une réforme, celle des retraites. Depuis septembre, j'en ai fait six : la taxe professionnelle, le lycée, les collectivités territoriales, la taxe carbone, la réforme de La Poste, du fret SNCF,", égrenait-il, le 4 novembre.

EFFET DÉFLAGRATEUR

La réforme des collectivités territoriales lui permet, en outre, d'engager une bataille frontale avec la gauche qui règne sur la quasi-totalité des régions. "Dans ce débat, où sont les conservateurs ? Où sont les immobiles ? Qui augmente les impôts locaux ? Qui laisse déraper les dépenses de fonctionnement ?", s'exclame Frédéric Lefebvre, porte-parole de l'UMP, persuadé que ce "sus aux élus" rencontrera un écho positif à droite.

Mais dans cette bataille des territoires, le chef de l'Etat a sous-estimé un élément : l'effet déflagrateur qu'a déclenché la juxtaposition de deux réformes, l'une fiscale, l'autre territoriale. En inquiétant les élus à la fois sur leurs attributions et sur leur porte-monnaie, le chef de l'Etat n'a pas seulement réveillé la gauche. Il s'est aussi mis à dos une partie des élus de droite, dont deux anciens premiers ministres, Alain Juppé et Jean-Pierre Raffarin. Et il a inquiété tout le camp des décentralisateurs persuadés d'assister, après les vagues de 1982 (Mauroy) et de 2004 (Raffarin), à une recentralisation punitive.

Dans cette mauvaise passe, le jeu de François Fillon est complexe. Le premier ministre a retrouvé une utilité depuis que la cote de popularité de M. Sarkozy dévisse. Il est celui qui rassure les élus. Mais il est en même temps celui qui ne peut rien leur céder.

Pour ramener les déficits publics sous 3 % du produit intérieur brut en 2014, comme il s'y est engagé, contre plus de 8 % aujourd'hui, il sait qu'il faudra tailler dans les dépenses. L'Etat n'y arrivera pas seul. Il faudra que les collectivités locales s'y mettent. C'est ce mistigri des déficits qui rend la bataille aussi rude.