samedi 17 janvier 2009

Jean-Baptiste Humeau : « Le redécoupage serait le plus mauvais service à rendre aux territoires. »

Le géographe Jean-Baptiste Humeau met en garde contre ce qui ressemblerait à une « Saint-Barthélemy des Régions ». Il défend des coopérations pour faire avancer les grands dossiers et peser à l'échelle européenne.

Professeur de géographie à l'université d'Angers, spécialisé dans le développement territorial. Membre d'un laboratoire du CNRS (Centre national de la recherche scientifique), il anime un réseau international de recherche, en lien avec six universités européennes.

Le président Sarkozy a émis l'hypothèse d'un retour de Nantes en Bretagne et la création d'une grande région Ouest. On parle aussi d'une nouvelle région Val de Loire, de la Mayenne au Cher. Qu'en pensez-vous ?

Le débat territorial est sur le devant de la scène. Mais il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs. C'est mal y entrer que de l'aborder par la modification des limites territoriales. Il faut d'abord se poser la question des compétences des Régions, qui sont très récentes, à peine vingt-cinq ans. Ces compétences méritent d'être approfondies et affinées.

Quel bilan dressez-vous de la politique des Régions ?


Elles ont travaillé, malgré les pesanteurs centralisatrices. Mais elles ont trop peu été dans l'anticipation. Et, pour lancer des expérimentations, elles n'ont pas besoin d'attendre le coup de sifflet de l'État.

Que faut-il faire, alors ? Penser à l'échelle du grand Ouest les politiques de développement ?

Il faut deux choses : peser à l'échelle européenne et répondre au besoin de proximité des citoyens. Pour cela, il n'est pas utile d'avoir une nuit de la Saint-Barthélemy des Régions. On peut imaginer des Départements pour la proximité, des Régions restant telles quelles et des coopérations interrégionales pour les grands projets de développement : autour des transports, de la santé, de la protection des espaces côtiers, de la recherche ou de l'université.

Dans l'Ouest, quelle aire vous semble pertinente pour l'essor de telles coopérations ?

L'association de la Bretagne, des Pays de la Loire, du Poitou-Charentes et, pour certains domaines, de la Basse-Normandie, offre un cadre de taille européenne pertinent. D'autres pays sont historiquement moins centralisateurs.

Pourquoi ne pas mener des missions comparatives pour voir ce qui s'y pratique ? En Allemagne ou en Espagne, par exemple.

Que faut-il éviter en matière de réforme territoriale ?

Il ne faut pas redécouper sur le coin d'une table. Car on ne peut pas ignorer ce qui fonctionne. L'État doit muscler les compétences des Départements et des Régions, sur la base de la règle de subsidiarité (1). La clé, en matière de gouvernance territoriale, doit être l'innovation.

La commission Balladur rendra ses conclusions en février. Qu'en attendez-vous ?


Je suis un pessimiste actif. Il y a beaucoup de forces centralisatrices en France : dans la tête des gouvernants, mais aussi de beaucoup d'entre nous. Le redécoupage serait le plus mauvais service à rendre aux territoires. La question à discuter en priorité est celle des objectifs assignés à ces territoires de développement. Il faut penser une grande région Ouest qui ait quelques chances d'avoir un poids à l'échelle européenne.