vendredi 20 mars 2009

Collectivités locales : le big bang attendra

Source : Les Echos / Romain Pasquier est chercheur au CNRS et enseignant à Science-Po Rennes

Avant même d'avoir lu le rapport du comité Balladur sur la réforme des collectivités locales, des commentateurs ont annoncé un futur big bang pour l'organisation territoriale de la République. Si l'on prend la peine de lire ce rapport on est surpris, au contraire, par le grand pragmatisme et finalement le grand classicisme des propositions. Les points d'achoppement de la décentralisation française sont bien connus : un empilement des structures marqué par le nombre bien trop important de communes (36.783 communes contre 8.414 en Allemagne) ; un enchevêtrement des compétences et des financements illustrés par la concurrence entre départements et les régions ; une fiscalité locale vieillissante ; et enfin, un système illisible pour le citoyen contribuable.

En quoi aurait pu donc consister une révolution ? Réduire tout d'abord drastiquement le nombre de communes, c'est-à-dire faire la réforme que tous les pays occidentaux ont fait ces vingt dernières années. Instaurer un principe de hiérarchie entre les collectivités territoriales dans le but de clarifier et de rendre visible les responsabilités politiques et institutionnelles des uns et des autres. Le principe de non-hiérarchie entre les collectivités territoriales est en effet la véritable - peut-être la seule - exception française au regard de toutes les grandes démocraties européennes (Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni) qui ont fait le choix d'une décentralisation régionale. Contraindre, enfin, l'Etat à jouer le jeu de la décentralisation. Nombre des doublons ou des débordements de compétences que l'on constate dans les territoires sont dus à un Etat qui n'a cessé de transférer de nouvelles charges aux collectivités territoriales tout en les contraignant à financer ses propres compétences.

Or, que dit le rapport Balladur ? Il plaide pour une intercommunalité renforcée, en particulier en milieu urbain (11 grandes métropoles). Ceci se situe dans la droite ligne de l'histoire de l'intercommunalité en France depuis l'échec magistral de la loi de fusion municipale en 1971. Il se prononce également pour une réduction du nombre de régions (de 22 à 15) et la création d'un « Grand Paris » faisant directement écho au vieux rêve des aménageurs des années 1960 de doter la France d'entités territoriales de « taille européenne ». Quant au sujet de la fiscalité, qui n'était pas le coeur de sa mission, le comité reprend à son compte nombre de propositions de rapports antérieurs visant à simplifier et à clarifier la répartition des impôts locaux pour le contribuable.

Au total, ce rapport décline, à partir de droits existants (droit à l'expérimentation pour le rapprochement entre collectivités), des propositions pragmatiques qui permettent pour l'essentiel de contourner l'obstacle d'une réforme constitutionnelle. Supprimer certains échelons ou instaurer une hiérarchie entre les collectivités territoriales auraient en effet nécessité de modifier la Constitution à une période où le gouvernement ne dispose que d'une majorité relative au Sénat, ce dernier étant lui-même très largement favorable au statu quo territorial... Le big bang n'est donc pas pour demain.