mercredi 25 mars 2009

Dialoguons pour réformer les collectivités, par Michèle Alliot-Marie

Tribune Le Monde

Le comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par Edouard Balladur, a rendu ses conclusions au président de la République. Ministre des collectivités territoriales, j'aurai la charge de la concertation préalable avec les associations d'élus et avec les parlementaires avant le débat législatif.

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Une réforme de cette ampleur conduit à la recherche du consensus. Cette démarche suppose de travailler à partir des réalités. Commençons par balayer les mensonges, hypocrisies et malveillances. On a entendu que les régions seraient ramenées au nombre de quinze. C'est faux. Les regroupements de régions évoqués reposeront sur le volontariat et le libre consentement. Nul ne peut donc dire si le résultat final sera de 7, 15 ou 22 régions.

On a prétendu que les travaux du comité préparaient la suppression du département. Pas une ligne du rapport ne va dans ce sens. L'existence de cette collectivité est d'ailleurs constitutionnelle. La réforme telle que proposée ne conduit ni à la mort subite ni à une mort programmée du département. Au contraire, la clarification des compétences peut renforcer sa raison d'être et sa visibilité. On a évoqué la disparition des communes. En maintenant pour elles la clause de compétence générale sur les sujets d'intérêt local, le comité les conforte.

Après avoir propagé cette première série d'idées fausses, les mêmes et d'autres expliquent alors que s'il n'y a pas suppression des communes et des départements c'est qu'en fait le gouvernement est décidé à ne rien faire. Je le dis clairement : la réforme des collectivités territoriales est ambitieuse. Elle est nécessaire, attendue. Les propositions du rapport Balladur nous en donnent les directions. Nous la ferons.

La première ambition est la clarification des compétences. Le citoyen du XXIe siècle veut savoir et a le droit de savoir qui fait quoi, qui est responsable de quoi. Exigence démocratique, cette clarification renforce aussi la visibilité, le rôle et le poids de chaque collectivité. Avoir plusieurs niveaux de collectivité n'est pas gênant si chacune a un rôle spécifique et n'utilise pas ses moyens financiers, humains ou techniques à refaire plus ou moins bien ce qui se fait à un autre niveau. Cette rationalisation s'appliquera aussi à l'Etat qui devra s'interdire de maintenir des services déconcentrés dans les domaines de compétence exclusive des collectivités. Qui dit compétences clarifiées dit rôles mieux définis, mais aussi meilleure articulation entre institutions et représentants.

La concertation permettra d'avancer sur les questions relatives aux rapports entre communes et intercommunalités, entre départements et régions. Faut-il ou non une élection unique pour les conseillers municipaux et communaux d'une part, généraux et régionaux de l'autre ? Selon quel mode de scrutin ? Les cantons doivent-ils être supprimés ? La question dépasse la seule technique électorale. Elle touche à l'ancrage territorial des élus, à leurs liens avec l'électeur, à la possibilité pour le citoyen de se retourner vers les élus.

Autre axe de clarification, l'intercommunalité. La carte doit en être achevée et améliorée. Toutes les communes n'ont pas les moyens de construire une piscine ou une médiathèque. Pour autant, le citoyen doit-il être privé de ces services au motif que sa ville n'a pas les moyens d'en assurer seule la construction et l'entretien ? L'intercommunalité n'est pas l'ennemie de la commune. Elle est un moyen de mettre en réseau les moyens financiers et les équipements des communes, au service des citoyens. Pour la compléter et l'optimiser, je travaillerai à la carte de l'intercommunalité avec les présidents d'intercommunalité, mais aussi avec les maires, dans une logique d'incitation plutôt que de contrainte.

La question du maintien des syndicats intercommunaux dans cette nouvelle carte est incontournable. Le territoire national n'est pas homogène dans ses problématiques. La réforme propose de prendre en compte cette réalité en diversifiant certains modes de gestion. Les métropoles sont ainsi aux yeux des membres du comité une façon de mieux répondre aux problématiques du milieu urbain. Elles occuperont une place importante sur le plan financier, démographique, urbanistique et économique. Certaines questions devront être clarifiées avant leur création : quelle place et quel mode de désignation pour les représentants des communes membres ? Quelle articulation avec le département ? Comment travailler avec les régions ?

Qui dit compétences dit aussi moyens de les exercer. Longtemps différée, la réforme de la fiscalité locale devient le corollaire indispensable de celle des institutions locales. Les impôts locaux représentent plus de la moitié des recettes des collectivités territoriales. Or, les bases foncières de ces impôts n'ont pas été actualisées depuis 1970. Il est temps de mettre un terme à cette situation productrice d'inefficacité et d'injustice.

La suppression de la taxe professionnelle renforcera la compétitivité de nos entreprises et donc le dynamisme de notre pays. En contrepartie, la diminution des recettes des collectivités locales sera compensée, dans le respect du principe constitutionnel d'autonomie financière des collectivités. Elle sera assurée par des transferts d'impôts. Il faudra veiller à l'adéquation des ressources et des compétences pour chacune des collectivités. Je préparerai la réforme de la fiscalité locale avec Christine Lagarde, en concertation avec les associations d'élus et le Parlement.

La Conférence nationale des exécutifs, qui sera réunie par le premier ministre dans les prochains jours, sera une première étape de la concertation qui se concrétisera au Parlement par une loi-cadre, puis par la loi de finances. Créées les unes après les autres au fil de l'histoire, les collectivités territoriales se sont inscrites dans une culture de concurrence, chacune essayant de s'imposer dans le paysage institutionnel. Elles sont installées et légitimées. Le rapport du comité Balladur en apporte une nouvelle preuve. Le temps est venu de leur donner les moyens d'une véritable coopération, responsable et solidaire.