dimanche 22 mars 2009

«C'est le moment de changer» par Gérard Longuet

Source : Libération


Quel est le point qui a suscité le plus de débat au sein du Comité Balladur ?

Le concept de conseiller territorial c’est-à-dire le fait d’avoir un élu commun pour le département et pour la région. Pour les uns, c’est la fin du département, pour les autres, c’est la fin de la région. Pour moi, c’est la coopération durable et intelligente entre département et région, qui garde à chacune de ces collectivités leur finalité. Elles cesseraient de les exercer en conflit pour les exercer en complément.

Mais est-ce qu’on parlera encore de département si cette réforme a lieu ?

Oui, parce que le département garde des missions identifiées fortes : l’action sociale, le soutien aux collectivités locales de base, que sont communes et intercommunalités, et une fonction de prestataire de services pour l’entretien des routes, pour l’environnement, pour le fonctionnement des collèges…Donc nous aurons des départements, des présidents de département mais aussi les conseillers territoriaux de ces départements, qui auront la capacité de siéger à la région, où ils auront une mission différente. Là ils auront une réflexion plus stratégique de discussion avec l’Etat sur les grandes infrastructures et la mobilisation des moyens au service du développement économique par les travaux de recherche, de développement et l’université…

Il y a eu beaucoup de polémique sur le projet d’un « Grand Paris », est-ce que créer une région Ile-de-France forte ne va pas à l’encontre du projet de décentralisation ?

Le cœur du sujet c’est que l’espace français est dans un espace européen et mondial. Dans cet espace, nous avons besoin d’une Ile-de-France extrêmement forte où l’on rencontre des décideurs qui dans des domaines aussi différents que la finance, la culture, la science, l’industrie, les services soient des acteurs de niveau mondial. Et il n’y a pratiquement qu’à Paris que nous pouvons avoir la certitude de les accueillir, les soutenir, les inciter à venir s’ils n’y sont pas déjà. Donc la France a besoin d’une structure parisienne forte.

Le système actuel est absurde, Paris est limité au boulevard périphérique, l’urbanisme est contradictoire, les prestations de services comme le transport sont insuffisantes. D’ailleurs l’Ile-de-France a cessé de se développer, c’est une région où l’on va, mais où ne reste pas. Je ne demande pas qu’elle se développe en terme de population, mais en terme de qualité de service haut de gamme. En revanche, on sait très bien que les organisations internationales ou les très grands centres de recherche comme Saclay, c’est en région Ile-de-France et ce n’est pas ailleurs.

A l’inverse, l’Ile de France peut renvoyer en territoire des activités de production industrielle par exemple qui pourrait tout à fait trouver leur place aussi bien dans l’Est que dans l’Ouest. Donc il n’y a pas d’opposition, il y a plutôt une complémentarité.

C’est un point qui a pourtant été remis à plus tard…

Oui, je suis un peu déçu. Le Président de la République a estimé qu’il fallait revoir la copie, approfondir. La mission sénatoriale temporaire dit la même chose. Moi je ne voudrais pas qu’on reporte indéfiniment cet aspect parce qu’on ne peut pas demander aux Français en province de changer et dire que le changement ne concerne pas les parisiens parce que si la tête ne fonctionne pas, le corps ne fonctionnera pas non plus.

Si l’on rapproche le sujet de votre débat « Le Big Bang territorial ? » et le thème général « Sortir de la crise », on peut se demander si c’est le bon moment pour cette réforme ?

C’est complètement le bon moment parce que la crise nous adresse la question suivante : comment voulons-nous vivre dans l’avenir et sommes prêts à changer notre mode de vie. Rien n’est plus humain, plus concret, plus réaliste que la vie locale. Par exemple, la cohésion sociale, la vie culturelle, la liaison naturelle entre les habitants et leur environnement historico-patrimonial, ça fait partie de la qualité de la vie et c’est une réponse à la crise. Les collectivités locales permettent aux gens qui n’ont pas de relations d’échapper à la solitude et par conséquent de trouver des soutiens face à la crise. Je pense que le renouveau de la vie locale est une façon de développer les solidarités, de donner aux gens qui ont des initiatives la possibilité de les faire aboutir. La proximité c’est une sécurité, c’est une force et c’est un tremplin pour de nouvelles initiatives.

Mais vous comprenez que dans ce contexte certaines personnes peuvent être désorientées par ce projet ?

Oui mais la seule sécurité c’est le mouvement, si vous êtes sur un vélo, il faut pédaler pour ne pas tomber. En matière d’organisation, nous sommes dans un univers en changement, si nous ne faisons pas des efforts pour faire évoluer les collectivités locales alors pour le coup, on payera cher des structures qui nous donneront le sentiment de ne pas répondre à nos attentes.