jeudi 22 octobre 2009

La réforme territoriale provoque les foudres de la gauche


Source : L'Express

En septembre dernier au Touquet, Xavier Bertrand comme Gérard Larcher avaient prévenu devant la caméra de LEXPRESS.fr: la réforme des collectivités est le texte le plus important de l'année parlementaire qui démarre. Manière en quelque sorte de mettre la pression d'emblée tant sur le gouvernement que sur l'opposition.

Après quelques soubresauts, le projet de loi vient d'être dévoilé. Et c'est Nicolas Sarkozy en personne qui est venu le présenter, ce mardi à Saint-Dizier. Une réforme audacieuse qui n'a laissé personne de marbre.

Dès la fin du discours du chef de l'Etat, la riposte de l'opposition fut immédiate. "Une réforme stupide, illisible, impraticable" pour le socialiste Jean-Louis Bianco, "anachronique et néfaste" pour le radical de gauche Jean-Michel Baylet, "une régression démocratique sans précédent" selon le Parti communiste. "Une réforme historique" rétorque l'UMP en guise de tir de barrage.

Les conseillers territoriaux, le coeur de cible de l'opposition

Un des points les plus sensibles et des plus décriés est bien évidemment celui des conseillers territoriaux, mesure phare de la réforme. Ils siègeront à la fois au département et à la région.

"Un être hybride que nulle démocratie occidentale ne connaît, au mode d'élection d'une brutalité extrême", s'emporte Alain Rousset (PS), président de l'Assemblée des Régions de France (ARF) et d'Aquitaine. Suivi dans la foulée par Jean-Paul Huchon, le président PS de la région Ile-de-France: "On crée un monstre!"
"Une réforme habile d'un cynisme total" tonne Alain Rousset, président (PS) de la région Aquitaine, qui y voit l'assassinat des régions de France.

"Une réforme habile d'un cynisme total" tonne Alain Rousset, président (PS) de la région Aquitaine, qui y voit l'assassinat des régions de France.

Les présidents de régions socialistes démontent les arguments d'économie avancés par le Président de la République. "Les conseillers régionaux et généraux ne représentent que 1% des élus locaux. Leur part dans le budget des collectivités est de seulement 0,04%!"

Le maire de Paris, Bertrand Delanoë, leur emboîte le pas: "Le chef d'un Etat dont le déficit s'élève aujourd'hui à 140 milliards d'euros n'est pas vraiment bien placé pour dispenser aux élus locaux ce type de leçon."

A ceux qui craignent que cette réforme "coupe les ailes aux régions", le Premier ministre François Fillon estime qu'il convient de "rapprocher les départements et les régions qui sont souvent en compétition sur une même politique".

Le gouvernement peut néanmoins se réjouir de quelques soutiens extérieurs, au premier rang desquels le leader du MoDem François Bayrou."C'est une réforme que j'avais proposée en 2002 et encore en 2007 et, de ce point de vue-là je partage le jugement du président de la République", explique-t-il sur France Info.

La controverse du mode d'élection du conseiller territorial

Le soutien du centriste n'est toutefois pas entier. François Bayrou s'inquiète en effet du mode d'élection de ces conseillers territoriaux "qui visera à ne plus avoir en France que deux mouvements politiques: le PS et l'UMP".

Une critique sur le scrutin reprise par Jean-Paul Huchon qui parle de "la plus grande escroquerie qui n'ai jamais été faite" tandis que les Verts estiment que ce mode d'élection est "taillé sur mesure pour favoriser l'UMP".

Et une fois encore, c'est François Fillon qui se chargé de la riposte. Ce mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour "préserve le lien avec le territoire -une élection dans un canton-" et introduit "une part de proportionnelle pour défendre la diversité et le pluralisme".

La suppression de la taxe professionnelle en travers de la gorge des collectivités

Autre controverse notable, la suppression de la taxe professionnelle. Cette dernière, très sensible, fait d'ailleurs l'objet d'un projet de loi à part.

Cette réforme "précipitera dans la faillite de nombreuses collectivités locales dont une vingtaine de conseils généraux déjà en proie aux chutes de recettes liées à la crise", estime Arnaud Montebourg, président du conseil général de Saône-et-Loire.

"Actuellement, 49% de la fiscalité locale est prise sur les ménages et 51% pour les entreprises. Avec le texte de M. Sarkozy, 73% des impôts seraient pris sur les ménages et 27% sur les entreprises", a, pour sa part, déclaré l'ancien ministre de l'Economie Laurent Fabius.

Mais pas question pour Sarkozy et Fillon de céder sur ce point. "C'est une réforme urgente sur laquelle je ne cèderai pas", a expliqué le chef de l'Etat à saint-Dizier. Elle "ne tourne pas le dos à la décentralisation, elle stimule l'initiative et les énergies locales", estime-t-il en concluant qu'il est nécessaire de lutter contre "le cancer de la délocalisation".

La réforme des collectivités territoriales est passée ce mercredi en Conseil des ministres. Le président a annoncé qu'il devrait arriver au Parlement en "mi-décembre".

D'ici là, l'opposition aura à coup sûr aiguiser ses armes. "Nous n'accepterons pas de passer le cou dans le noeud coulant de cette réforme en silence" prévient Jean-Michel Baylet.