lundi 1 décembre 2008

Entretien avec Adrien Zeller (parue dans EITB)

Monsieur Zeller, vous vous êtes exprimé très fermement sur la réforme territoriale en cours...

Adrien Zeller: En effet, comme nous venons de l'écrire avec le Président de la Région Rhône-Alpes, Jean-Jacques Queyranne dans Le Figaro, l'échelon régional est sous-développé en France. Pourtant la région est l'espace très pertinent pour développer des synergies, en interne, en développant des clusters, en s'associant à d'autres partenaires pour tirer bénéfice de nos complémentarités.

Alors on nous dit que nos régions sont trop petites. C'est une ineptie! C'est la région qui est capable de répondre aux enjeux économiques, de créer de l'innovation, de stimuler les réseaux emploi-formation... Sait-on en France la prospérité d'autres régions en Europe? Sait-on que le Pays Basque a le plus fort taux de croissance en Europe? Je suis allé au Pays Basque, c'est fantastique ce qu'ils ont fait!

En Alsace, nous développons aussi des politiques nouvelles, différentes de ce que fait l'État. Car ce rapport entre l'Etat et ses régions, j'ai tendance à le voir comme une association entre de l'huile et du vinaigre... Aussi nous voulons agir différemment de lui. Si l'État agit par circulaire, nous, nous agissons par synergie! Nous animons le tissu des acteurs pour stimuler, pour faire bouger : innover est notre pratique quotidienne. Nous nous positionnons comme d'autres territoires qui sont en compétition car nier qu'il y a une compétition en Europe est une stupidité! La Stratégie de Lisbonne, nous l'appliquons déjà en Alsace! Il y a une Alsace nouvelle qui est en train de naître!

Eitb.com: Comment envisagez vous cette prise en main ?

Adrien Zeller: Si aujourd'hui, nous sommes faibles sur certains points, il nous faut fabriquer des indicateurs, fabriquer des grilles pour non seulement être pertinents mais performants. Il en va de la cohésion sociale, de la cohésion territoriale. C'est à nous de faire ces choix, c'est à nous de porter une vision de la société, un regard politique de la société.

Nous vivons dans un monde en mutation, et il nous faut des données qui démontrent ces changements de la société. Nous sommes tous particuliers : qui sait que l'Alsace est la région de France qui est la plus généreuse? C'est l'Alsace qui fait le plus de don. Et donner d'un geste gratuit, qui n'est pas contraint, n'est pas anodin pour une société : cela définit une manière de concevoir et de participer à la société alsacienne.

Pour associer ces spécificités régionales, locales à l'environnement européen, il faut intensifier les synergies entre les acteurs des secteurs publics et privés, entre les acteurs différents. Et en France, on pense mal. Il ne s'agit pas de savoir si les régions sont trop petites ou trop grandes. On nous parle de la suppression des départements mais à quelques kilomètres d'ici, à quelques kilomètres de Strasbourg, il y a des kreise qui fonctionnent très bien et nos amis allemands n'auraient pas idée de les faire disparaître au nom d'une rationalité quelconque. Cela fait partie de leur histoire, tout comme le Pays Basque a ses "départements", comme les provinces italiennes etc. Nous avons tous nos spécificités! Il faut se confronter à la réalité : d'un côté lire, de l'autre vérifier sur le terrain.

La méthode de réforme de l'État actuel est complètement inepte ! En Alsace, on ne peut pas se permettre de penser ainsi : on ne peut pas penser franco-allemand. Il faut nous comparer aux autres. La politique de l'innovation c'est plus important que de nous questionner sur les départements. Il faut faire attention aux "bulles" politiques. Il faut penser par soi-même, se faire sa propre opinion. L'union n'est pas la fusion. On peut conserver nos différences. Et aujourd'hui, j'observe un manque de réflexion total de la part de l'État.