jeudi 17 septembre 2009

Des intentions simples, une application polémique et d'une extrême complexité

Source : Le Monde

Un projet qui modifie substantiellement l'organisation territoriale héritée de deux cents ans nécessite un peu de temps et de réflexion." Emanant d'un des ministres directement concernés, la remarque tend à justifier le retard pris par la réforme des collectivités territoriales, un chantier majeur du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Attendu en septembre, l'avant-projet de texte, qui n'a toujours pas été soumis au Conseil d'Etat, devrait être examiné en conseil des ministres la deuxième quinzaine d'octobre.

Selon les exigences d'un calendrier très chargé, la discussion pourrait commencer au Sénat au mieux à la fin décembre, après l'examen du projet de loi de finances. Les débats devraient durer deux mois jusqu'à l'échéance des régionales de mars 2010, avant le passage à l'Assemblée. Au final, cette réforme ne devrait pas être adoptée avant l'été 2010, alors que son entrée en vigueur reste fixée à 2014. Pour faire coïncider les calendriers, le gouvernement va devoir faire voter une loi spécifique précisant que les conseillers régionaux élus en 2010 le seront pour quatre ans et non six. Les conseillers généraux renouvelables en 2011 ne seront élus que pour trois ans.

Les propositions essentielles avaient été esquissées par le comité présidé par l'ancien premier ministre Edouard Balladur. Leur mise en oeuvre se heurte à une série d'obstacles juridiques et constitutionnels qui suscitent l'opposition résolue de la gauche, et jette le trouble au sein de la majorité. La réforme, par ailleurs, exclut Paris et l'Ile-de-France, la Corse et l'outre-mer.

Le conseiller territorial : symbole et casse-tête de la réforme. Pour Nicolas Sarkozy, la création des conseillers territoriaux est le noyau dur de cette réforme. La réduction de 6 000 à 3 000 du nombre de conseillers généraux et régionaux est le symbole des économies attendues dans la gestion des collectivités. Le nouveau conseiller territorial, siégeant à la fois au département et à la région, doit favoriser une meilleure articulation entre ces deux collectivités. Inédite dans le système français - un élu siégeant dans deux assemblées distinctes géographiquement et démographiquement -, cette création nécessitera un système électoral spécifique.

Le gouvernement avait initialement imaginé un scrutin uninominal dans les zones rurales et proportionnel dans les zones urbaines. Ce mode d'élection différencié pour un mandat identique présente un risque d'invalidation constitutionnelle et remet en cause le principe de la parité.

Le gouvernement réfléchit à une autre formule : un scrutin uninominal à un tour avec une part de proportionnelle permettant d'intégrer les battus ou les représentants des petites formations. En usage en Allemagne pour les élections fédérales depuis 1946, ce système est inspiré d'une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale le 8 février 1926 par un groupe de députés emmenés par... Léon Blum et Vincent Auriol.

L'élection des conseillers territoriaux suppose par ailleurs un vaste redécoupage de la carte des cantons, circonscriptions appelées à disparaître. Les nouvelles circonscriptions retenues, d'environ 20 000 habitants, risquent d'être défavorables aux zones rurales et aux départements les moins peuplés.

2014 : l'année des quatre élections. Le gouvernement mise sur l'application de la réforme à partir de 2014. Cette année-là, quatre élections seraient programmées : les municipales avec les délégués des métropoles et des intercommunalités, les "territoriales" pour les départements et les régions, les européennes et les sénatoriales. L'occasion pourrait être de regrouper toutes les élections locales le même jour, et avec un seul tour de scrutin, dans une sorte de "mid-term" à l'américaine, à la mi-mandat du chef de l'Etat élu en 2012.

La clause générale de compétence. Le chef de l'Etat est convaincu de la nécessité de limiter les compétences des départements et des régions, source selon lui, de concurrences inutiles et coûteuses. Mais cet impératif nécessite de fixer les responsabilités respectives de chaque collectivité dont la définition a été reportée à une loi ultérieure. Dès lors, cette disposition majeure pourrait être repoussée.

Les métropoles : des compétences élargies. Selon la version d'un avant-projet de loi élaboré à la mi-août, les métropoles ne seraient plus des collectivités autonomes dotées des compétences des départements, notamment en matière sociale. Comptant au moins 450 000 habitants - un seuil permettant d'inclure Strasbourg en plus de Lyon, Lille, Marseille, Bordeaux, Toulouse, Nantes et Nice -, ces agglomérations constituées en établissements publics de coopération intercommunale seraient en réalité de super-communautés urbaines dotées de responsabilités négociées avec les départements et les régions.