lundi 14 septembre 2009

La République "low-cost" de Nicolas Sarkozy, par Claude Bartolone

Source : Le Monde

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Acte II : la réforme de la taxe professionnelle, ou la fin de la liberté des collectivités locales.

Dans une majorité de grandes villes, de départements, de régions, la gauche et les écologistes sont aux responsabilités. Beaucoup l'ignorent, mais les collectivités locales représentent à elles seules 75 % des investissements publics dans notre pays. Elles sont les pilotes d'un service public local utile et efficace. Elles deviennent de ce fait une cible.

M. Sarkozy a donc choisi de frapper au portefeuille. Le gouvernement s'apprête, dès le prochain projet de loi de finances, à supprimer la taxe professionnelle.

Bien sûr, chacun en connaît les défauts. Il était indispensable de réformer la taxe professionnelle, mais pour la remplacer par un nouvel outil fiscal dynamique, qui intéresse les territoires à leur développement et surtout qui s'inscrive dans une véritable péréquation entre collectivités riches et collectivités pauvres. Sans cela, comment venir à bout des inégalités territoriales qui rongent la République ?

Ne nous y trompons pas, une collectivité locale qui perd une recette dynamique au profit d'une dotation de l'Etat n'est plus une collectivité locale. C'est une sous-administration de l'Etat.

Sans compter que l'expérience des dernières lois de décentralisation nous a démontré que l'Etat n'est pas toujours au rendez-vous de sa parole. En Seine-Saint-Denis, ce sont 500 millions d'euros qui n'ont pas été versés au département suite aux transferts de compétences de 2004.

Acte III : la réforme territoriale, ou la fin de la décentralisation.


On a d'abord pensé que la réforme des collectivités locales était un chiffon rouge agité par le président de la République pour mieux faire oublier ses échecs sur les plans social et économique. La réalité est plus grave. Il s'agit d'une réelle et profonde remise en cause des acquis de trente ans de décentralisation, une balafre infligée à la République et à la démocratie française.

C'est aussi un redoutable coup de force électoral. En proposant, pour l'élection des futurs conseillers territoriaux, la règle du scrutin de liste en zone urbaine et du scrutin uninominal en zone rurale, ce mode d'élection "à la carte" aboutira mécaniquement à partager les gains de la gauche et à conserver ceux de la droite. Pour servir ce projet, M. Sarkozy use des ficelles les plus éculées. En "néopoujadiste", le président de la République génère et entretient un sentiment anti-élus locaux dans l'opinion publique, pointant du doigt le caractère dispendieux de l'action des collectivités locales.

L'argument qui consiste à présenter la réduction des élus par deux comme une mesure permettant de réaliser des économies est un argument détestable. Il l'est d'autant plus qu'un récent rapport du cabinet KPMG conclut que, dans un premier temps, cette opération commencerait par coûter cher, très cher.

Et en guise d'épilogue, le gouvernement nous concocte un redécoupage électoral qui, tel qu'il a été présenté, aboutira à ce que la gauche soit contrainte de réaliser 52 % des suffrages pour devenir majoritaire à l'Assemblée nationale. Fermez le rideau.

Au final, ce débat sur l'avenir des collectivités locales dépasse les seules collectivités locales. C'est un débat sur l'avenir du service public, sur l'effort de solidarité nationale, sur le niveau de fiscalité, sur l'égalité territoriale. L'enjeu n'est autre que notre conception de la République et de la démocratie. Dans ce débat, Nicolas Sarkozy a pris le parti d'une République "low cost". C'est ce choix-là que nous devons combattre. Pour aujourd'hui et pour demain.