vendredi 18 septembre 2009

Le gouvernement cherche à contenir la fronde des élus

Le Monde

Avant même d'engager la réforme des collectivités territoriales, le président de la République, Nicolas Sarkozy, doit s'employer à calmer le jeu au sein de la majorité. Après les députés mardi, il a reçu, jeudi 17 septembre, les sénateurs UMP pour enrayer le début de fronde que suscitent le projet de suppression de la taxe professionnelle et son remplacement par un nouvel impôt, la "cotisation économique territoriale". Accélérée par le chef de l'Etat pour venir en aide aux entreprises, cette décision provoque de profondes inquiétudes parmi les élus locaux. D'un montant de 28 milliards d'euros, la taxe professionnelle représente en effet la moitié des recettes fiscales des collectivités locales.

Alors que les modalités de ce nouvel impôt sont toujours en discussion à Bercy, les sénateurs s'insurgent contre l'examen séparé de deux textes majeurs pour l'avenir des collectivités : la cotisation économique inscrite, à l'automne, dans le projet de loi de finances 2010 et la réforme des collectivités territoriales qui ne sera réellement discutée qu'au printemps prochain. Jean Arthuis (Union centriste) le président de la commission des finances a demandé au chef de l'Etat "que l'on reporte d'un an la réforme de la taxe professionnelle pour les collectivités". Philippe Marini, sénateur (UMP) de l'Oise, a plaidé dans le même sens : "Il importe de savoir qui perd, qui gagne par catégorie de collectivités et d'entreprises et ce que cela coûte à l'Etat."

Devant le comité directeur de l'Association des maires de France (AMF), où il s'était invité jeudi, Brice Hortefeux a tenté de rassurer les élus. Il a précisé que l'examen de la réforme des collectivités territoriales commencerait à la mi-décembre au Sénat, juste après la discussion de la réforme de la taxe professionnelle qui figure dans le projet de loi de finances

Alors qu'il doit intervenir mardi 22 au congrès de l'Association des départements de France, le ministre de l'intérieur a répété que "cette réforme ambitieuse repose sur l'adhésion des communes". M. Hortefeux est en revanche resté discret sur la réforme des finances locales qui reste un sujet majeur d'inquiétude des élus. Signe de leurs convergences de vues, les présidents de sept principales associations d'élus ont rappelé, lors d'une conférence de presse mardi, leurs exigences, obligeant le gouvernement à de nouveaux gestes d'ouverture alors qu'il en a déjà fait beaucoup.

Dans un premier temps, il a promis la compensation intégrale du manque à gagner, soit en réalité 22 milliards d'euros. Il a ainsi proposé d'affecter des recettes nouvelles (taxes sur les antennes de téléphonie mobile, sur les éoliennes, les surfaces commerciales...). Mais il manque toujours 6 milliards à prélever sur le budget de l'Etat.

Lâcher du lest

Un compromis a aussi été esquissé sur les modalités du nouvel impôt. La cotisation économique territoriale sera composée d'une cotisation locale d'activité assise sur les valeurs foncières (5,3 milliards d'euros) et d'une cotisation complémentaire prenant en compte la valeur ajoutée des entreprises (11,5 milliards d'euros). Pour le chef de l'Etat, le montant et la répartition de ces deux taxes seront décidés par le Parlement.

Dans cette esquisse de réforme, les élus craignent en fait une perte majeure de leur pouvoir de décision en matière de fiscalité. Le projet de Bercy prévoyait ainsi de réserver les recettes du nouvel impôt économique aux départements et aux régions et de ne laisser que les taxes foncières et d'habitations des ménages aux communes et aux intercommunalités.

Jacques Pélissard, député (UMP) et président de l'AMF, est monté au créneau pour dénoncer cette disposition qui prive les territoires de leur principal lien avec les entreprises. "Actuellement, 51 % des impôts sont supportés par les entreprises et 40 % par les ménages. Avec la réforme, la part des ménages serait portée à 73 %", a-t-il affirmé. "Si l'on coupe ce lien, quelle collectivité acceptera d'accueillir des activités industrielles à risque comme la chimie", s'insurge de son côté Gérard Collomb, sénateur (PS) et maire de Lyon. La crainte des élus communaux est de faire reporter sur les familles et les particuliers l'essentiel des hausses d'impôts.

Sans attendre, le chef de l'Etat a fait savoir qu'il était prêt à lâcher du lest. Il est en effet conscient que s'il ne fait pas de sérieux gestes d'apaisement, la réforme des collectivités territoriales qu'il considère comme une priorité du quinquennat risque de ne pas franchir l'épreuve du parlement. Les voix discordantes de la majorité pourraient se joindre à celles de l'opposition dans un front du refus.