samedi 28 février 2009

«Certaines propositions ont du sens»

Jean-Marie Miossec est géographe et directeur du laboratoire Gester (Gestion des sociétés, des territoires et des risques) à l’université Paul-Valéry-Montpellier-III. Il revient sur les polémiques qui accompagnent les premiers éléments du rapport Balladur.

Pourquoi la réforme territoriale génère-t-elle des réactions aussi épidermiques ?

Parce que l’on touche à des identités de territoires prégnantes. Et qu’il y a des inquiétudes politiques.
Un corporatisme des élus ?

Je n’irai pas jusque-là. Mais on entend des réactions émises sans tenir compte de ce que le projet peut apporter. Ce n’est pas nouveau. A chaque fois que l’on a proposé de réformer la carte administrative, il y a eu des oppositions. En 1980, Giscard avait commandé ce travail à Olivier Guichard, puis il l’a enterré. Un an plus tard, François Mitterrand a commandé un rapport à Edgard Pisani et lui aussi l’a enterré. Enfin, quand Gaston Defferre a mis au point la décentralisation, il a joué la carte des transferts de compétences, mais sans toucher à la carte administrative, ni aux financements.
Etait-ce une faute ?

Non, mais aujourd’hui, on arrive au bout d’un processus et il convient de réadapter le corps de cet organisme qu’est la France. Dans la réforme Balladur, pour ce qu’on peut en deviner au vu des articles et sans avoir encore pu lire le détail du rapport, il me semble qu’il y a des propositions qui ont du sens. En particulier sur la restructuration des régions. Certes, le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne est bizarre. Il laisse ce qui reste des Pays de la Loire dans une situation étrange. Mais réunir les deux Normandies ; la Bourgogne et la Franche-Comté, par exemple, ou supprimer la Picardie ne me choquent pas. Objectivement, en Picardie, le département de l’Aisne, au nord, touche la frontière belge tandis que plus de la moitié de l’Oise est tournée vers l’Ile-de-France. En plus, il n’y a pas de grande ville.
Faut-il qu’une région n’existe que si elle comporte une ville importante ?

Une région, c’est un territoire où il y a une métropole qui joue le rôle d’un moteur, avec un réseau de villes plus locales. D’évidence, Amiens, Poitiers ou Dijon ne sont pas de grandes métropoles et ne polarisent pas la totalité de la région qu’elles devraient commander. Cela n’empêche pas qu’il existe, par ailleurs, des identités berrichonnes ou picardes à un niveau infrarégional et ces villes ont un rôle à jouer. Conforter Nice, par exemple, c’est très bien. La ville est internationale, elle a une fonction métropolitaine certaine mais elle ne peut pas polariser toute la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Or, il faut irriguer les régions à partir de métropoles attractives.
Peut-il exister un découpage idéal ?

Non, évidemment. Tout découpage ne peut qu’entraîner des critiques, même si tous ont une logique. Encore faut-il savoir quel fonctionnement des collectivités locales il y a derrière. Est-ce qu’Edouard Balladur propose des arbitrages ? Ce sont eux qui peuvent justifier des découpages. La suppression du canton et son remplacement par un échelon plus large - l’arrondissement, peut-être -, une zone qui correspondrait à des bassins de vie, peut être intéressante. La réorganisation d’un territoire, en général, consiste à prendre en compte les problèmes de vie quotidienne. Sur quelle trame fine doit-on s’appuyer ? La commune, le canton?
Pourrait-on se passer des régions, qui sont des créations récentes ?

Beaucoup de pays européens ont une structure régionale forte. En France, pour des raisons qui ont trait à l’histoire, on a eu un refus de la région. Le mot n’apparaît dans la Constitution qu’en 2003 ! Une réforme territoriale pourrait être l’occasion d’une réconciliation entre les régions et l’Etat. Elle arrive tard. Nous avions la commune, le département, la nation. On a rajouté l’Europe, les régions, les intercommunalités. Et, au niveau du développement économique, de multiples partenariats qui aboutissent à une illisibilité et certainement à des gaspillages. Une simplification s’imposait depuis très longtemps, mais c’est un sujet chatouilleux.