jeudi 26 février 2009

Il faut enfin donner un statut à nos villes

Michel Destot est président de l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF), député et maire de Grenoble (PS) ;

Serge Grouard est vice-président de l'AMGVF, député et maire d'Orléans (UMP).


La nécessaire réforme de la décentralisation doit reconnaître et consacrer le fait urbain. Résultat de sédimentations successives, notre construction territoriale doit entrer dans l'âge de raison, rationaliser les périmètres et les compétences. Vingt-cinq ans après les lois Defferre, la France paraît mûre pour engager cette réforme.

Cela commande de mettre fin à l'émiettement : nous aimons tellement nos communes que nous préférons qu'il y en ait 36 000, nous aimons tellement la décentralisation que nous préférons qu'il y ait quatre échelons ! Nos collectivités ont besoin de règles du jeu claires pour lutter contre l'enchevêtrement des compétences et des financements qui entrave la performance de leurs politiques publiques. Elles ont besoin de ressources propres et pérennes.

La réforme à construire est donc triple : celle des structures, des compétences et des finances locales. Car le statu quo n'est plus tenable. Sans réforme, nos collectivités, déjà bien fragiles financièrement, vont connaître des lendemains difficiles. Pour autant, la recherche d'un nouveau modèle uniforme sera malaisée : on ne peut traiter de la même manière la région capitale, les grandes aires urbaines et les villages. Pour éviter cet écueil, la réforme devra associer volontarisme et souplesse : une latitude devra être laissée aux décideurs locaux pour trouver la solution la plus adaptée à chaque territoire.

Un deuxième risque serait que, focalisée sur l'avenir des départements et des régions, la réforme oublie de s'appuyer sur les villes. Celles-ci sont des acteurs essentiels de la modernisation et du dynamisme des territoires, et le premier lieu du vivre-ensemble pour une majorité de nos concitoyens.

Or, nos métropoles demeurent fragilisées par des institutions qui ne permettent pas une coïncidence entre les réalités urbaines et l'organisation administrative. L'essor des intercommunalités a pu apporter, dans un premier temps, une réponse partielle à cette difficulté ; mais il tend à devenir une nouvelle source de complexité, voire d'illisibilité. Il n'existe pas d'instance permettant une prise de décision efficace au niveau métropolitain.

Face à ce constat, il convient d'abord d'achever la carte intercommunale et de rationaliser les périmètres des intercommunalités, comme le souhaitent de nombreuses associations d'élus, dont celle des maires de France, afin qu'ils correspondent à l'exercice d'une véritable solidarité à l'échelle d'un territoire cohérent, large et diversifié. La réforme doit aussi donner un nouveau cadre juridique à nos villes.

Ainsi, dans les grandes zones urbaines, sans doute au-delà de 100 000 habitants, la constitution de collectivités uniques mérite d'être favorisée, sur la base du volontariat, par regroupement des communes et intercommunalités au sein d'une structure, une métropole. Cette nouvelle métropole aurait une seule personnalité juridique et disposerait de larges compétences, comprenant l'intégralité des compétences exercées par les communes et les intercommunalités. Elle conserverait le bénéfice de la clause générale de compétence, contrepartie de son existence en tant qu'échelon de proximité, disposant ainsi de larges pouvoirs. Mais, parce que la cohérence appelle aussi la proximité, elle déléguerait une partie de ses compétences à des mairies de proximité correspondant aux communes, voire aux mairies de quartier des villes-centres. Les conseillers de la métropole et les conseillers des mairies de proximité seraient élus dans le cadre d'un même scrutin de liste, favorisant ainsi la lisibilité démocratique de l'ensemble.

Cette simplification est ambitieuse. Elle devra s'accompagner de réformes renforçant la visibilité des villes en matière budgétaire. Il faudra également que soit conservé un lien fiscal entre les agglomérations urbaines et les entreprises : face à la disparition annoncée de la taxe professionnelle, un impôt économique doit être maintenu au niveau local, pour financer des infrastructures et services de proximité utiles pour les entreprises.

Ainsi constituées, nos villes seront plus fortes pour affronter la concurrence des agglomérations en Europe. Leur action sera lisible et claire pour le citoyen et leur gouvernance plus efficace. Elles incarneront à la fois le libre exercice de compétences définies et la responsabilité politique de décideurs locaux identifiés. Soit les deux conditions d'une décentralisation réussie et légitime.