samedi 7 mars 2009

Juppé sur la réforme Balladur

Au début de la semaine, j’ai publié mon “projet urbain n°2″ (le premier date de 1996 et il est à peu près achevé aujourd’hui).

Je l’ai intitulé: “2030. Vers le Grand Bordeaux, métropole durable.”

C’est dire combien je me sens en harmonie avec la proposition du comité Balladur qui tend à créer, dans notre pays, une dizaine de métropoles de taille européenne, parmi lesquelles, bien sûr, Bordeaux.

Trop longtemps le processus de décentralisation a négligé les villes pour s’intéresser principalement aux régions et aux départements. Or 80% environ des Français vivent dans nos villes, et c’est dans nos villes que se posent la plupart des questions sensibles auxquelles notre société doit répondre: logement, éducation et formation, emploi, transports, vie culturelle, diversité mais aussi sécurité, propreté…

Les grandes villes, tout particulièrement, sont en compétition avec leurs rivales européennes et mondiales. La France a grand besoin de renforcer le réseau de ses métropoles, à l’image de l’Allemagne, de l’Italie du Nord, de l’Espagne, voire de la Grande-Bretagne. C’est ce que propose le comité Balladur et je m’en réjouis.

D’où viendront les difficultés qui ne manqueront pas de surgir sur le chemin de cette belle réforme?

Premier débat: le périmètre de ces nouvelles métropoles. Prenons le cas de Bordeaux. Ce périmètre ne peut être celui de la CUB (la communauté urbaine actuelle avec ses 27 communes et ses 700 000 habitants environ). A la périphérie immédiate plusieurs communes font en réalité partie de l’agglomération; elles profitent à plein des services offerts par la CUB (transports notamment) sans supporter la juste part des charges correspondantes. D’où leur réticence à entrer dans la CUB. Il faudra bien faire bouger les lignes pour donner à la nouvelle métropole la taille critique du million d’habitants.

Deuxième débat: l’étendue des compétences et des moyens des nouvelles agglos. Très astucieusement le comité Balladur propose de leur transférer les compétences qu’exercent actuellement, sur leur territoire, les conseils généraux. C’est-à-dire: les collèges, les routes départementales, mais surtout l’aide sociale (RMI et RSA, protection maternelle et infantile, aide aux personnes âgées, aide aux handicapés…). C’est une extension considérable du champ d’action des communautés urbaines. Cette extension va dans le bon sens, celui d’une plus grande proximité avec les populations les plus fragiles. Mais elle va poser des problèmes: résistance des départements qui, à l’instar de celui de la Gironde, verront leur poids diminuer de moitié; interrogations des communes qui, à l’intérieur des nouvelles métropoles, perdront leur compétence générale et qui, à terme, ressembleront plus à des arrondissements parisiens qu’à des communes de plein exercice.

En vérité, la logique de la démarche Balladur, c’est l’évolution vers une organisation à deux niveaux: régional pour la stratégie de développement économique, métropolitain pour les services de proximité; du même coup, elle implique l’effacement progressif du département et de la commune traditionnelle. L’acceptation d’un tel changement n’est pas acquise.

Troisième débat: celui de la gouvernance. Dans ce domaine, le statu quo n’est pas possible. On ne peut renforcer les compétences et les moyens des agglos sans donner à leurs dirigeants la légitimité démocratique que confère l’élection au suffrage universel direct. Prenons encore le cas de Bordeaux: pendant la dernière campagne municipale, il n’y a pas eu de véritable débat sur les enjeux communautaires; la confrontation des candidats et de leurs programmes est restée dans le strict cadre communal. Ce qui ne permet pas de faire émerger une véritable conscience communautaire, autour d’un projet communautaire et pour un leadership communautaire. Si l’on veut attendre cet objectif, ce que je souhaite, il ne suffira pas de “flécher” sur des listes communales les noms de celles et de ceux qui iront siéger au conseil de communauté (les premiers de la liste); il faudra que le mode de scrutin permette aux électeurs de l’ensemble du territoire communautaire de désigner en toute transparence non seulement l’organe délibérant mais aussi le pouvoir exécutif.

On voit que les “irritants” potentiels sont nombreux. M.Balladur nous dit qu’il faut décider maintenant. Je pense que le président de la République et le gouvernement ont raison de se donner le temps de la réflexion et de la concertation