samedi 3 octobre 2009

Quels services publics pour nos campagnes ?

Source : Le Monde

La "votation citoyenne" organisée samedi 3 octobre à propos de l'avenir de La Poste en est un des symboles. En agitant la menace de privatisation de l'activité postale, les collectifs d'associations, les syndicats et partis de gauche ont trouvé un nouveau cheval de bataille pour attaquer le gouvernement sur le terrain du maintien des services publics, particulièrement dans les zones rurales. La polémique est d'autant plus sensible que l'Etat, asphyxié par les déficits, s'apprête à supprimer, en 2010, plus de 34 000 postes. Relayée par les élus locaux, cette inquiétude devrait resurgir lors de l'examen de la réforme des collectivités locales et de leur financement, dont le projet de loi devrait être présenté, à la mi-octobre, au conseil des ministres.

Depuis la révision générale des politiques publiques (RGPP), le gouvernement a entrepris une profonde restructuration de l'administration du territoire. Il s'est attaqué à la carte judiciaire et à la réorganisation des tribunaux. Il a resserré ses implantations militaires. Alors que des menaces planent sur les sous-préfectures, les fusions des services de l'administration de l'équipement et de l'agriculture, du travail et de l'action sociale sont menées à marche forcée dans les départements. La refonte des schémas hospitaliers, avec l'abandon d'unités dans les hôpitaux de proximité, attise, dans le même temps, les angoisses à l'égard de futurs "déserts médicaux".

La mise en oeuvre de ces réformes aurait sans doute nécessité un débat national pour repréciser l'avenir des missions de l'Etat et des services publics. La redéfinition d'une nouvelle politique d'aménagement du territoire est d'autant plus nécessaire que l'opposition traditionnelle entre la France rurale et la France urbaine se révèle pour partie dépassée depuis que l'exode rural a été enrayé. "Près d'un tiers des départements avaient perdu des habitants entre 1990 et 1999. Ils ne sont plus que cinq à afficher une diminution entre 2000 et 2006 : la Haute-Marne, la Nièvre, la Creuse, les Ardennes, l'Allier et dans une faible mesure le Cantal", précise la délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT) dans son rapport de janvier 2009.

Certains départements, du Sud et du littoral atlantique et méditerranéen, sont en progression avec l'arrivée de néoruraux, ex-citadins ou retraités, qui revendiquent une qualité de service identique à celle des villes : accès au haut débit, garde d'enfants et scolarisation précoce, permanences médicales et accès aux soins... En revanche, le fossé s'est creusé avec les territoires trop éloignés des agglomérations et les bassins industriels victimes des crises successives et des fermetures d'usines.

La réforme des collectivités territoriales voulue par le président de la République, Nicolas Sarkozy, est-elle de nature à prendre en compte cette évolution ? Les orientations du projet de loi ne remettent pas en cause la structure communale avec ses 500 000 élus. Mais elles dessinent les contours d'une France de communes regroupées, dans les agglomérations et les métropoles.

A l'échelon des départements et des régions, la création de conseillers territoriaux, siégeant dans les deux assemblées, doit répondre à l'objectif fixé par le chef de l'Etat : éviter les doublons et diminuer le nombre d'élus qui devraient passer d'environ 6 000 à 3 000. Cette réduction drastique devrait affecter essentiellement les départements, reflets de la diversité des territoires urbains et ruraux. Le système actuel a certes atteint ses limites : l'écart entre le canton le moins et le plus peuplé varie de 1 à 49. Le mode de représentation proposé - un élu pour deux mandats - ainsi que le mode de scrutin - uninominal à un tour assorti d'une part de proportionnelle - risque de produire un effet inverse.

Avec la suppression des cantons et le redécoupage de nouvelles circonscriptions d'une taille moyenne de 20 000 habitants, les départements les moins peuplés devraient passer d'une trentaine d'élus à moins d'une dizaine. Réunis les 22 et 23 septembre à Clermont-Ferrand, les présidents de conseils généraux, y compris certains de la majorité présidentielle, ont exprimé leurs craintes et leurs oppositions. La gauche a prévu d'engager "la bataille politique" de l'opinion. Plus embarrassée, la droite mise, elle, sur les groupes de pression au Parlement.

Le chef de l'Etat reste déterminé à conduire cette réforme et à en assumer le risque politique, y compris dans ces campagnes où la droite est dominante. Lors des journées parlementaires de l'UMP, vendredi 25 septembre, le premier ministre, François Fillon a reconnu que "ça va secouer (...). Localement, cela constituera un choc que nous devons assumer".

Nommé en juin ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire - un symbole -, le président centriste du conseil général du Rhône, Michel Mercier, a été chargé de rassurer et d'apaiser cette fronde naissante. Il envisage de lancer des "assises de la ruralité" et reste convaincu "qu'une politique d'aménagement du territoire forte est le complément indispensable de la réforme institutionnelle". Il lui reste à en définir les contours et surtout à en obtenir les moyens. Avant les régionales de 2010, il devra surtout déminer le terrain.