vendredi 20 février 2009

La réforme territoriale est une idée de gauche

Par Gérard Gouzes (Président délégué de l’ADCF, Vice-Président de l’APVF)

Aujourd’hui, nous sommes face à une décentralisation inachevée. C’est aujourd’hui à la commission Balladur de plancher sur cet épineux sujet.
Essayons de mettre un peu d’ordre dans les idées pour distinguer l’essentiel et l’accessoire, le stratégique et le tactique, l’intérêt général et la politique politicienne. En effet, la réforme de la fiscalité locale comme celle de l’organisation territoriale du pays, qui n’a jamais su choisir entre le modèle jacobin centralisateur et le modèle girondin décentralisateur, risque d’échouer du seul fait de l’absence de méthode et de principes clairement énoncés au départ. La multiplication des approches et des lieux de débat entraîne la confusion de ceux-ci et alimente tous les soupçons, au détriment d’une approche partagée du changement. Le calendrier est encore plus confus. Les prochaines élections régionales doivent avoir lieu en mars 2010 et les élections cantonales en 2011. Si une réforme devait intervenir, intégrant d’une manière ou d’une autre ces deux scrutins, le report à 2011 s’imposerait pour les deux. Mais attention les conseillers généraux élus par canton en 2008 le sont jusqu’en 2014. Une modification des deux assemblées ne pourrait intervenir qu’à cette date et à la condition que les conseillers généraux élus en 2011 et les conseillers régionaux continuent à être élus sur la même base qu’aujourd’hui pour 3 ans ou 4 ans.
Trois principes directeurs doivent nous guider aujourd’hui. D’abord, faire de la cohérence territoriale la clé de voûte de la réforme.
Rationaliser les périmètres de gouvernance suppose aussi de les démocratiser. A cet égard, je propose, à l’horizon des élections municipales de 2014, la mise en place d’une double élection dans chaque commune : une liste municipale avec des candidats communautaires fléchés qui, élus, iront siéger au Conseil Communautaire et une liste de l’exécutif communautaire composé uniquement de candidats fléchés dans les listes municipales (seuls les élus municipaux pouvant être des élus de l’exécutif).
Ensuite, distribuer les compétences conformément aux principes de subsidiarité et de spécialité. A la loi d’atténuer ces principes par la désignation de « chefs de file », département, communauté, région selon les compétences d’intérêt communautaire, d’intérêt départemental ou régional. A la compétence générale donnée à toutes les communes, seules à même de les déléguer, doit s’ajouter une compétence de proximité, d’application et de suivi réservée à toutes les communes, quelle que soit leur taille.
Enfin, la réforme financière et fiscale. Le financement fiscal nécessaire au bon fonctionnement de nos entités territoriales est à lui seul un véritable casse tête.
A la suppression de la taxe professionnelle annoncée par deux présidents de la République (après qu’un autre l’ait traitée « d’imbécile »), a succédé un grand projet de révision des bases jamais appliqué pour cause de proximité électorale.
Dernière en date des solutions proposées, le remplacement de la taxe professionnelle par une taxe carbone dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle semble pour l’instant aussi gazeuse que l’assiette à laquelle elle est supposée s’appliquer.
Des territoires qu’il faut remanier, des compétences qu’il est nécessaire de mieux répartir, une fiscalité qui doit enfin redevenir plus juste et plus équitable, enfin une démocratie qui devrait rendre plus légitime ses acteurs…tout cela ne peut pas sérieusement être menée à bien dans la précipitation.
La France n’est pas un jouet. C’est pourquoi, réformer, ce n’est pas tout casser. C’est à ce prix que notre pays échappera au fameux adage du Guépard, en évitant que « tout change pour que rien ne change ».