Réforme de la fiscalité locale : la grande manipulation
Par JEAN-YVES LE DRIAN, Président du Conseil Régional de Bretagne
L'année 2009 restera marquée par un paradoxe inouï. Alors que le gouvernement n'aura cessé de s'adosser, à bon compte, à l'accélération de l'investissement public par les régions, à leur soutien à l'emploi ou aux infrastructures ferroviaires, il aura dans le même temps présenté une réforme fiscale qui supprime l'essentiel de leur capacité d'agir. Au coeur de l'été, le gouvernement a fait circuler un avant-projet de loi supprimant la taxe professionnelle (TP). Ce texte, présenté comme une mesure technique, bouleverse en fait la totalité du système fiscal local. De nombreux élus locaux s'interrogent sur les intentions réelles du gouvernement. La lecture de ce document laisse peu de doute : bien plus que la TP, c'est l'autonomie financière des collectivités locales tout entière qu'il veut faire disparaître. Les régions sont les premières visées. Selon l'avant-projet, dès 2010, elles perdraient tout lien fiscal direct avec les ménages et seraient dépossédées du droit de fixer les taux d'imposition directe. Plus de 90 % de leurs ressources seraient désormais des dotations, gérées plus ou moins discrétionnairement par l'Etat. C'est une recentralisation brutale que le gouvernement masque derrière ses arguties techniques. L'avant-projet du gouvernement est mauvais pour la France et pour les Français. Et dans sa méthode, et dans ses objectifs. Sur la forme, on ne peut que constater qu'il ne tient compte d'aucune des propositions, pourtant consensuelles, des représentants des collectivités locales de tout bord, qui ont contribué à ce débat important. Exit le principe d'autonomie financière, exit la spécialisation de l'impôt, exit le principe d'équilibre entre la taxation des ménages et celle des entreprises !
Sur le fond, l'éventuel aboutissement du projet présenté au mois d'août me semble totalement incohérent avec le rôle que jouent aujourd'hui les régions dans la vie des Français. Un tel retour serait même dangereux pour l'économie de notre pays, alors que les collectivités sont les piliers du processus de relance par l'investissement et l'innovation. Les régions consacrent la plus grande part de leurs budgets à la formation professionnelle, à l'apprentissage, à l'innovation, à l'action économique, aux transports, aux lycées. Toutes ces compétences leur ont été dévolues par la loi et positionnent la région comme l'un des échelons stratégiques pour mettre en oeuvre les politiques de développement de notre pays. Particulièrement en période de crise, les conseils régionaux montent en première ligne sur le terrain de la lutte contre le chômage, en s'adressant prioritairement aux publics les plus éloignés de l'emploi. Mais au-delà de ces missions obligatoires, chaque jour, les exécutifs locaux sont également sollicités par les représentants de l'Etat pour boucler le financement de projets qui ne relèvent pas de leurs compétences obligatoires (contrat de projets Etat-région, environnement, université, logement...). Désormais, les collectivités doivent même financer la construction des nouvelles lignes à grande vitesse (LGV), à parité avec l'Etat !
Cela n'a pas échappé au président de la République, quand il appelait les collectivités à prendre une part décisive au soutien à l'activité, par la relance de l'investissement public et le soutien à l'innovation. Les régions ont toutes répondu présent. Les régions ont toutes été prêtes à faire plus, à assumer davantage de responsabilités, lorsque leur plus-value le justifiait. Mais il n'y a pas de miracle : pour une collectivité locale, cette souplesse réclame une capacité à ajuster ses ressources, en toute responsabilité. Aussi, la perspective de la mise sous tutelle des budgets des régions est-elle une menace, et pour notre démocratie décentralisée, et pour notre économie. Sans maîtriser ses ressources, comment s'engager sur des projets d'envergure, de long terme ? Sans retour sur investissement, comment financer les services publics qui doivent accompagner le développement ? Sans capacité de modulation de ses budgets, comment jouer à l'avenir un rôle contracyclique, si vital en période de crise ?
Permettre aux collectivités territoriales en général, et aux régions en particulier, de maîtriser une part déterminante de leurs ressources est, non seulement un principe inscrit dans la Constitution, mais surtout la condition première pour que fonctionne la démocratie décentralisée et moderne que tout le monde, à droite comme à gauche, appelle de ses voeux. Je veux croire que le président de la République et le gouvernement, auteurs de cet avant-projet inacceptable, mesureront dans les jours à venir les risques qu'il comporte pour la cohésion territoriale. Le dialogue doit reprendre sans délai. Des propositions équilibrées ont été faites par les élus locaux. Elles amorcent une refonte intelligente d'un système fiscal local à bout de souffle. Qu'attendons-nous pour les mettre en œuvre ?
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L'année 2009 restera marquée par un paradoxe inouï. Alors que le gouvernement n'aura cessé de s'adosser, à bon compte, à l'accélération de l'investissement public par les régions, à leur soutien à l'emploi ou aux infrastructures ferroviaires, il aura dans le même temps présenté une réforme fiscale qui supprime l'essentiel de leur capacité d'agir. Au coeur de l'été, le gouvernement a fait circuler un avant-projet de loi supprimant la taxe professionnelle (TP). Ce texte, présenté comme une mesure technique, bouleverse en fait la totalité du système fiscal local. De nombreux élus locaux s'interrogent sur les intentions réelles du gouvernement. La lecture de ce document laisse peu de doute : bien plus que la TP, c'est l'autonomie financière des collectivités locales tout entière qu'il veut faire disparaître. Les régions sont les premières visées. Selon l'avant-projet, dès 2010, elles perdraient tout lien fiscal direct avec les ménages et seraient dépossédées du droit de fixer les taux d'imposition directe. Plus de 90 % de leurs ressources seraient désormais des dotations, gérées plus ou moins discrétionnairement par l'Etat. C'est une recentralisation brutale que le gouvernement masque derrière ses arguties techniques. L'avant-projet du gouvernement est mauvais pour la France et pour les Français. Et dans sa méthode, et dans ses objectifs. Sur la forme, on ne peut que constater qu'il ne tient compte d'aucune des propositions, pourtant consensuelles, des représentants des collectivités locales de tout bord, qui ont contribué à ce débat important. Exit le principe d'autonomie financière, exit la spécialisation de l'impôt, exit le principe d'équilibre entre la taxation des ménages et celle des entreprises !
Sur le fond, l'éventuel aboutissement du projet présenté au mois d'août me semble totalement incohérent avec le rôle que jouent aujourd'hui les régions dans la vie des Français. Un tel retour serait même dangereux pour l'économie de notre pays, alors que les collectivités sont les piliers du processus de relance par l'investissement et l'innovation. Les régions consacrent la plus grande part de leurs budgets à la formation professionnelle, à l'apprentissage, à l'innovation, à l'action économique, aux transports, aux lycées. Toutes ces compétences leur ont été dévolues par la loi et positionnent la région comme l'un des échelons stratégiques pour mettre en oeuvre les politiques de développement de notre pays. Particulièrement en période de crise, les conseils régionaux montent en première ligne sur le terrain de la lutte contre le chômage, en s'adressant prioritairement aux publics les plus éloignés de l'emploi. Mais au-delà de ces missions obligatoires, chaque jour, les exécutifs locaux sont également sollicités par les représentants de l'Etat pour boucler le financement de projets qui ne relèvent pas de leurs compétences obligatoires (contrat de projets Etat-région, environnement, université, logement...). Désormais, les collectivités doivent même financer la construction des nouvelles lignes à grande vitesse (LGV), à parité avec l'Etat !
Cela n'a pas échappé au président de la République, quand il appelait les collectivités à prendre une part décisive au soutien à l'activité, par la relance de l'investissement public et le soutien à l'innovation. Les régions ont toutes répondu présent. Les régions ont toutes été prêtes à faire plus, à assumer davantage de responsabilités, lorsque leur plus-value le justifiait. Mais il n'y a pas de miracle : pour une collectivité locale, cette souplesse réclame une capacité à ajuster ses ressources, en toute responsabilité. Aussi, la perspective de la mise sous tutelle des budgets des régions est-elle une menace, et pour notre démocratie décentralisée, et pour notre économie. Sans maîtriser ses ressources, comment s'engager sur des projets d'envergure, de long terme ? Sans retour sur investissement, comment financer les services publics qui doivent accompagner le développement ? Sans capacité de modulation de ses budgets, comment jouer à l'avenir un rôle contracyclique, si vital en période de crise ?
Permettre aux collectivités territoriales en général, et aux régions en particulier, de maîtriser une part déterminante de leurs ressources est, non seulement un principe inscrit dans la Constitution, mais surtout la condition première pour que fonctionne la démocratie décentralisée et moderne que tout le monde, à droite comme à gauche, appelle de ses voeux. Je veux croire que le président de la République et le gouvernement, auteurs de cet avant-projet inacceptable, mesureront dans les jours à venir les risques qu'il comporte pour la cohésion territoriale. Le dialogue doit reprendre sans délai. Des propositions équilibrées ont été faites par les élus locaux. Elles amorcent une refonte intelligente d'un système fiscal local à bout de souffle. Qu'attendons-nous pour les mettre en œuvre ?
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