lundi 7 décembre 2009

Le Sénat entérine et encadre la réforme de la taxe professionnelle

Source : Les Echos

Cette fois, Jean-Pierre Raffarin (UMP), le « frondeur » de la majorité sur la réforme de la taxe professionnelle, est venu. Absent lors de l'examen par le Sénat de la partie concernant la suppression de cet impôt, l'ancien Premier ministre est intervenu samedi à l'occasion du débat sur les compensations pour les collectivités locales, à savoir les deux nouvelles contributions des entreprises, foncière et sur la valeur ajoutée. « Les conditions de ce débat ne nous satisfont pas du tout », a-t-il attaqué, regrettant qu'il n'y ait pas eu au préalable un « débat économique ».


« Nous allons parler de valeur ajoutée, est-ce que vraiment les investissements et la taxe professionnelle sont les causes des délocalisations, je n'en suis pas sûr du tout. (…) Je ne suis pas en mesure aujourd'hui de savoir si la valeur ajoutée est une meilleure assiette pour l'avenir de notre économie. Je me demande si dans cinq ans on ne qualifiera pas à nouveau cette contribution d'impôt idiot parce qu'elle pénalise la valeur d'avenir », a-t-il asséné, en regrettant aussi qu'il y ait « manqué d'un débat sur la décentralisation. Veut-on jouer la carte de la responsabilité des élus ? Si oui, il faut des taux locaux pour des impôts locaux. Si l'on met des impôts locaux avec des taux nationaux (ce sera le cas de la contribution sur la valeur ajoutée, NDLR), on nationalise l'impôt local. »
Clauses de revoyure

Le sénateur de la Vienne a cependant approuvé les clauses de revoyure très strictes proposées par la commission des Finances pour ajuster la réforme, au 31 juillet 2010 et en 2011 après le vote de la réforme des collectivités. Il a aussi salué le dispositif de répartition des nouveaux impôts, entièrement réécrit. Christine Lagarde a rappelé à l'ancien Premier ministre que le gouvernement s'était « beaucoup inspiré du rapport Fouquet publié en 2004 sous votre autorité, qui concluait que la valeur ajoutée était la moins mauvaise pour une nouvelle contribution ». La ministre de l'Economie a aussi donné son feu vert à la nouvelle répartition des recettes, qui met à égalité toutes les collectivités, qu'elles attirent des petites ou des grandes entreprises (« Les Echos » du 2 décembre). Elles disposeront de ressources dépendant de la valeur ajoutée des entreprises présentes sur leur territoire : quel que soit leur chiffre d'affaires, celles-ci acquitteront un impôt local au taux de 1,5 %. Mais elles se verront restituer la somme qu'elles n'auraient pas dû payer via des dégrèvements (3,77 milliards). « Nous nous efforçons de définir l'architecture d'une nouvelle fiscalité locale », a souligné Philippe Marini (UMP), rapporteur du budget.
Les « deux pieds entravés »

« Rendant hommage » à ces travaux, Christine Lagarde a néanmoins tenté d'amender le dis-positif en transformant le dégrèvement en réduction d'impôt et en abaissant le taux de 1,5 % à 1,4 % (pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 10 millions d'euros) pour ce calcul. « Sous une avalanche de roses, le gouvernement cherche à démolir l'oeuvre de la commission, afin de réduire le montant du dégrèvement à la charge de l'Etat », a critiqué Michel Charasse (RDSE). De fait, l'Etat devra assumer des dégrèvements augmentant chaque année au rythme du PIB, alors que les dotations n'auraient crû, dans le meilleur des cas, qu'au rythme de l'inflation. Jugeant « inexplicable » l'amendement, Jean Arthuis, président de la commission des Finances, a obtenu du gouvernement qu'il le retire. Mais le sujet sera au menu de la commission mixte paritaire (7 députés, 7 sénateurs). De même, Christine Lagarde a dû retirer un amendement rétablissant un ticket modérateur pour les collectivités qui, en relevant trop le taux de la cotisation foncière, conduirait des entreprises à dépasser le plafond de 3 % (qui concerne l'addition de la contribution foncière et de celle sur la valeur ajoutée). Là encore, le sujet a été renvoyé en CMP.

Pour la gauche, la messe est dite : les sénateurs PS ont dénoncé hier un « coup fatal porté à la décentralisation », estimant que « la chute de l'autonomie fiscale des collectivités est confirmée et même aggravée » et que l'allégement fiscal accordé aux entreprises pèsera au final sur les ménages. « Vous aviez déjà le boulet Tepa (loi sur les heures supplémentaires défiscalisées et le bouclier fiscal, NDLR) ; avec le boulet TP, vos deux pieds sont entravés », a lancé Nicole Bricq (PS).