mercredi 17 décembre 2008

« Les régions au naturel » de Jean Ollivro

Jean Ollivro est professeur à l'Institut d'études politiques de Rennes, géographe spécialiste de l'aménagement du territoireet du développement régional.

hargée de la Réforme des Institutions, la commission Balladur apparaît comme un espoir pour les Régions de l'Ouest. Tout le monde souligne que le fonctionnement actuel de la France est trop complexe et qu'il génère de multiples doublons. Le gouvernement s'attaque donc avec raison à un sujet essentiel, puisque des études démontrent qu'une gouvernance efficace joue le rôle d'un levier pour la prospérité économique des territoires.

La question intervient au moment où nos sociétés sont frappées par une crise majeure. Le temps presse. La réforme actuelle peut apporter un nouveau souffle donnant de l'espoir aux gens en montrant les efforts de l'État pour se caler sur les réalités vécues par les citoyens.

Rééquilibrer le territoire

Dans l'ouest de la France, un projet utile à tous et permettant de passer de six à quatre régions est, depuis plusieurs années, proposé par les universitaires et reçoit l'appui des populations (71 % des Normands sont pour la fusion des deux régions). Si le problème de la Bretagne administrée est majeur, d'autres dysfonctionnements naissent d'une Normandie divisée, d'une région Pays de la Loire très artificielle, peu reconnue par les populations et correspondant peu aux mobilités ou à la réalité des échanges économiques (les habitants du Mans sont plus tournés vers Paris que vers Nantes).

Le nouveau projet permet de passer de six Régions faibles à quatre Régions fortes. À l'échelle de l'Europe, la solution crée quatre régions démographiques et économiques comparables qui se rapprochent des grandes Régions européennes.

Ce nouveau projet pour l'Ouest de la France crée quatre régions lisibles (l'appellation Val de Loire est reconnue patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco). Ces identités claires sont utiles pour la promotion économique et touristique des territoires (Normandie ou de Bretagne bénéficient d'une notoriété internationale). À l'échelle de la France, la création de quatre régions fortes est un atout pour dynamiser la façade atlantique et rééquilibrer le territoire français. En effet, cette façade atlantique est pour l'heure inorganisée, avec des Régions trop faibles, incapable de dynamiser une Péninsule.

Le rôle trop exclusifdes capitales

Le renforcement économique de cette pointe (notamment l'affirmation de son rôle maritime) créera un contrepoids à la dorsale européenne et recentrera ainsi la France dans l'Europe. À l'échelle des Régions, les avantages sont aussi conséquents. Outre la limitation des doublons et des coûts de fonctionnement (deux Régions pour la Normandie), on crée des échelles administratives en correspondance avec les territoires vécus par les populations.

Par exemple, il existe une identité propre aux habitants de Saumur, Orléans, Tours, Angers... avec une image commune autour de la Loire, des vignobles, des Châteaux, une forme de douceur et de qualité de vie... Dans les sondages, environ 70 % des habitants de Loire Atlantique se sentent aussi Bretons et plus personne ne conteste la réalité d'un sentiment culturel breton en Loire- Atlantique.

Enfin, cette affirmation des régions peut permettre aux villes d'être moins concurrentes que complémentaires. Au-delà de rivalités existant entre Rouen et Caen ou entre Nantes et Rennes, cette réforme peut être l'occasion (à la lumière de ce qui existe aux Pays-Bas ou en Suisse) de limiter le rôle parfois trop exclusif des « capitales » et de renforcer les partenariats urbains dans l'ouest de la France.

A une époque où il va falloir se serrer les coudes, avancer ensemble avec des appellations claires est un levier pour lancer la France sur la voie d'une réelle régionalisation.